Vote contre la motion d'amnistie : notre explication de vote.

Mardi 12 Mai 2015

Le conseil municipal s'est réuni ce soir. Une motion en faveur d'une loi d'amnistie contre laquelle nous avons voté, a été présentée par la maire et sa majorité. Vous trouverez ci après l'explication de vote de notre groupe des radicaux.


Monsieur le maire,


Avant de traiter de votre motion à proprement parler, permettez-moi de dire un mot sur la question des insulaires condamnés à des peines d’emprisonnement et détenus sur le continent. Leur rapprochement est souhaitable et nous le soutenons mais il s’agit ici de tout autre chose, une demande d’amnistie.
 
 
Par deux fois dans notre histoire récente, en 1982 et 1989, le parlement a voté des lois d'amnistie concernant la Corse. Celles-ci, c’est un fait, ont toutes été foulées aux pieds et ridiculisées, une fois les personnes concernées rendus à la liberté, par ceux qui avaient fait de l'usage de la violence leur principal argument.
 
En 1982, quelques mois seulement après une première amnistie, Libération avait ainsi titré « Prosper Youp la boum ! » en référence à la nuit bleue qui avait précédée l’installation de la première Assemblée de Corse, pourtant porteuse du premier statut particulier, et de son président Prosper Alfonsi.
 
Quant à l’amnistie de 1989, lui avait succédé une recrudescence sans précédent de la violence et tout le monde a en mémoire les dérives sanglantes qui ont endeuillé l’île durant les années 90, sur fond de guerre entre « historique » et « habituel ».
 
Aujourd'hui vous réclamez de notre assemblée qu’elle se prononce pour une troisième amnistie.
 
Si l’on vouait oublier les malheureuses expériences précédentes, il faut rappeler qu’une amnistie ne peut s’envisager que lorsque les violences qu’elle concerne ont totalement et définitivement cessé depuis un temps suffisant pour vérifier la solidité et la sincérité des engagements.
 
Pour appuyer votre propos vous mettez en avant, notamment, un fait intervenu voilà près d'un an : le dépôt des armes provisoire annoncé par le FLNC. Je dis bien provisoire car l'organisation clandestine avait clairement dit que si elle s’engageait dans un processus d’arrêt progressif de ses actions, elle conditionnait celui-ci à l’établissement je cite : d’« une solution politique négociée avec l'Etat ». Tout ceci énoncé de manière unilatérale.
 
Il est donc établi que l’arrêt de la violence reste précaire et qu’en tout état de cause il n’est en rien définitif. Pour s’en convaincre il suffit d’écouter vos amis qui brandissent régulièrement la menace d’un retour à celle-ci, si leurs revendications devaient ne pas être satisfaites. C’est un chantage qui est pour nous inacceptable.
 
Votre motion prend également à témoin l'opinion de notre île. Vous la définissez de manière péremptoire comme favorable à l’amnistie. Ceci est pour nous loin d’être établi.
 
Enfin, vous prêtez à une hypothétique amnistie des vertus d’apaisement. L’expérience enseigne que pour la Corse cela n’a jamais été le cas, bien au contraire. En revanche, nous avons remarqué que vous n’avez fait nulle part mention dans votre document, des milliers de victimes de décennies d’attentats. Or l’apaisement que nous appelons tous de nos vœux ne saurait être lui aussi décrété unilatéralement.
 
Plus grave encore, des hommes sont morts. Je pense bien sûr au préfet Erignac, lâchement assassiné en 1998, mais bien d’autres ont subi le même sort tragique. Les précédentes amnisties ne prenaient pas en compte les crimes de sang et nous ne pouvons que déplorer là encore que vous n’ayez même pas jugé bon de les exclure explicitement de votre demande.
 
Nous ne sommes donc pas en l’état favorables à une amnistie pas plus que nous n’avons la volonté de verser dans l’amnésie dont certains pourraient faire preuve. C’est pourquoi nous voterons contre cette motion.